MAROC / Nomades en sursis

A l’extrême Est du Maroc, frontière algérienne, la secrète région de l’Oriental s’étire de la Méditerranée au nord jusqu’au Sahara au sud. Un immense espace semi aride de 30.000km2 à la ligne d’horizon parfaite, complète la diversité de cette région: les hauts plateaux du Rekham, vaste territoire steppique et pastoral où vivent les éleveurs nomades.
Les populations actuelles sont des Arabes arrivés avec leurs troupeaux ovins à partir du XIVè siècle du Moyen Orient et principalement du Yemen. Parmi les six tribus majeures de l’Oriental, la collectivité des Béni Guil (divisée elle même en 5 tribus (kbila) et en fractions de tribus (jmaa) occupe avec la tribu des Laamour, la plus grande partie du territoire des hauts plateaux, entre la petite ville d’Aïn Beni Mathar au nord-est et l’oasis de Figuig tout au sud.

A perte de vue, les steppes d’alpha, grande graminée dont le nom latin évoque le sens de la résistance et de la lutte, couvrent l’essentiel des hauts plateaux. Elle sert de réserve pâturable permanente de secours, et de survie en cas de sècheresse. Outre son intérêt pastoral, elle est aussi utilisée pour la fabrication de cordes, de nattes ou sert de rembourrage.
Traditionnellement, le mode de vie des éleveurs est basé sur un nomadisme rythmé par les saisons : en hiver il déplacent le troupeau vers le sud et vers les plaines, en été selon les points d’eau.
Mais depuis le début du XXè siècle, plusieurs facteurs socio économiques et environnementaux ont fait apparaître les premières formes de sédentarisation : le forage de puits et le transport de l’eau par camion, la création de nouveau revenus grâce au travail dans les chantiers d’alpha ou dans les centres urbains, la désertification, le rapprochement vers les villes pour scolariser les enfants, ou encore l’émigration.

Les nomades ont abandonné les déplacements de longue distance et sont aujourd’hui semi sédentarisés. Les petits éleveurs, ceux qui ont moins de 50 têtes, sont les plus nombreux (environ 4000 familles recensées en 2008) et aussi les plus menacés de disparition si la sècheresse s’installe plusieurs années de suite. Depuis la tente traditionnelle, la khaima, accompagnée parfois d’un petit bâti en dur, ils partent en transhumance entre trois et quatre mois jusqu’à 150km à la ronde. En règle générale, la première épouse, plus âgée, suit le troupeau parfois en compagnie de ses fils tandis que la deuxième épouse reste à la tente pour s’occuper des enfants et des travaux quotidiens. Cependant beaucoup ne transhument plus et se contentent de faire pâturer les bêtes sur leurs terres de cultures et environs tout en restant suffisamment proche de la ville (Ain Beni Mathar..)

Publication Revue "Vies de Quetzal" #3 (2018)
Exposition aux "Nuits Photographique d'Essaouira", Maroc (2018)